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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/142

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sous une épaisse couche de paille. C’est le privilège suprême, inutile, désespéré ; c’est l’aveu navré qui dit à la foule inattentive qu’un heureux de ce monde est en train de souffrir ou de mourir.

La foule n’est pas riche et raille souvent, impitoyable qu’elle est contre le bonheur, ce dernier luxe de l’agonie opulente. Et le sage va pensant à l’inexorable niveau de la tombe.

Le cocher n’appela point. La porte s’ouvrit doucement sans cela. Une femme voilée dont la taille et les mouvements souples trahissaient la jeunesse, sauta hors de la calèche et franchit le seuil d’un pas léger. Elle était vêtue de noir avec une élégance toute parisienne.

La cour était silencieuse. Plusieurs fenêtres du premier étage brillaient, mais de cette lueur morne qui éloigne les pensées de fête.

Le concierge, debout devant sa loge, dit à voix basse :

« Je vous salue, madame la comtesse ; Monsieur n’ira pas loin désormais. »

La jeune femme hâta le pas et gagna le perron.

Au sommet des degrés, un très vieux domestique à livrée sombre et à tournure monacale, ouvrit la porte avant que Mme la comtesse eût touché le bouton de la sonnette. Il leva le flambeau qu’il tenait à la main et dit :

« Monsieur est bien bas, bien bas ! Il ne passera pas. la nuit.

— M’a-t-il demandée ? interrogea la jeune femme.

— Deux fois, avant et après sa confession.

— Ah ! fit-elle avec une expression singulière, il s’est confessé !

— Oui, oui, » répliqua le domestique à tournure claustrale d’un accent plus étrange encore.

Il eut un indéfinissable sourire et s’effaça sur ce mot pour livrer passage à la jeune femme.