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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/157

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échevelées ?… Oui, il fera jour demain.,.. Alors, c’était un long cri d’ivresse. Les femmes semblaient plus belles et le vin coulait plus ardent. Et c’était vrai ! Le lendemain, il faisait jour. Les sombres cavaliers parcouraient les sentiers de la montagne… ou bien les hardis seigneurs montraient le velours de leurs manteaux jusque dans les villes. Et il y avait un nom : le mien, qui éclatait comme le tonnerre… »

Sa voix faiblit, épuisée par cet inutile effort. La comtesse lui saisit la main.

« Père, dit-elle, si vous n’aviez pas le temps ! »

Il la regarda de son œil éteint.

« Fera-t-il jour demain ? » prononça-t-il encore une fois.

Puis il reprit :

« Je ne sais. Qui le sait ? Je crois en Dieu, mais on peut se tromper. J’ai bien vécu, j’ai vécu près de cent ans. Peut-être y a-t-il quelque chose à faire au delà de la tombe ; c’est à voir. N’aie pas peur, fillette, j’aurai le temps de tout dire. Ce n’est pas une minute qui me manquera au bout d’une si longue vie. Tu vas posséder le talisman ; tu seras riche et tu seras aimée. Penche-toi sur moi… fais comme si tu m’embrassais de tout ton cœur. Il y a un cordonnet autour de mon cou… tranche-le avec tes dents et tu auras le scapulaire. Comme tes yeux brillent ! Embrasse-moi encore : tu ne m’aimais pas !

— J’ai le scapulaire, dit la comtesse avec un effrayant sang-froid.

— Alors, tu ne m’embrasseras plus. Le secret des Habits Noirs est cousu dedans… »

Elle mit ses lèvres encore une fois sur le front du malade.

« Merci, murmura-t-il, c’est par-dessus le marché.