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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/227

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des Habits Noirs ?… Laissez donc, il n’y aurait plus d’affaires ! N’importe quel banquier peut manier les fonds de n’importe quel voleur sans qu’il y ait l’ombre de délit ou de crime. L’argent n’a pas plus de signalement que d’odeur, mais… mais… mais… »

Il s’arrêta, après ce mot prononcé trois fois avec des inflexions de voix différentes, et continua, en mettant son œil de plomb sur M. Schwartz :

« Mais voici la justice dans vos affaires, bonhomme ! hé ! ce n’est pas drôle, Jean-Baptiste ! Savez-vous pourquoi les chiens et les loups s’entre-mordent ? C’est qu’ils sont cousins. Le chien est un loup manqué. Un homme négociant au cachet, chiffreur à vide, additionneur des bénéfices d’autrui, comptable marron, professeur de fredaines qu’il n’ose ou ne peut exécuter, escompteur qui n’a pas réussi, usurier honoraire, piqueur de cartes à la roulotte commerciale, nourri de jalousie et de fiel, harcelé par les millions qu’il n’a pas, accusant les mansuétudes de la loi et les cruautés du sort, fruit sec de l’école qui prépare aux commandites, le loup des chiens de l’usure et le chien des loups, cet homme vous guette. Vous êtes sa proie convoitée. Il est pauvre. Il aimerait, lui aussi, le vice qui coûte et l’amour qui rapporte. Son stoïcisme est menteur ou forcé. Vous avez été sa fièvre, tant votre bonheur poigna souvent sa misère. Qu’on vous donne à lui, sous prétexte d’expertise, ses ongles s’allongeront pour fouiller votre chair. Il sait trouver le mal qui existe et créer le mal qui n’existe pas. Il est habile, haineux, clairvoyant ; il est poète, il invente à ses heures des roueries que vous n’auriez même pas soupçonnées, vous, le roué du genre, et il vous les prête généreusement. Il y va de tout cœur, comme un basset à la curée ; ce qu’il ne dévoré pas, il le souille. Et bien