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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/245

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s’éclaira un instant aux lueurs venant de la croisée. Nous eussions reconnu du premier coup d’œil la pâle beauté d’Edmée Leber et cette figure de bronze, M. Bruneau, le marchand d’habits de la rue Notre-Dame-de-Nazareth.

M. Bruneau dit :

« Ma fille, nous allons nous séparer ici. »

Il lui remit en même temps un objet assez volumineux, qui sonnait le métal sous l’étoffe qui l’enveloppait.

« Avant la fin de la journée, reprit-il, ceci vous sera acheté si vous consentez à le vendre. Si vous refusez de le vendre, il vous sera volé.

— Et qu’ai-je à faire ? demanda la jeune fille.

— Rien… attendre. Le piège est tendu désormais ; le loup s’y prendra.

— Il n’y a aucun danger pour ma pauvre bonne mère ? demanda encore Edmée.

— Aucun, » répondit M. Bruneau.

Il la prit par la main et l’attira contre lui, achevant avec une grave émotion :

« Vous serez la femme de Michel, et la mémoire de votre père sera vengée. »

Il la quitta, dirigeant son pas calme et solide vers le faubourg du Temple.

Edmée le suivit un instant des yeux, puis elle longea l’estaminet pour gagner la Galiote et le boulevard. Le monde de pensées qui était dans son cerveau lui sauvait la frayeur.

Cependant la jeune femme du coupé et M. Bruneau devaient se rencontrer.

C’était un rendez-vous. À la hauteur du passage des Deux-Boules, ils se trouvèrent face à face. La jeune femme souleva son voile et M. Bruneau lui mit un baiser sur le front. Le réverbère voisin éclaira le visage charmant, mais pâle de la comtesse Corona.