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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/247

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bout qui manque, la mutilation, le mystère, c’est la comtesse Corona.

Les autres personnages apparaissent suffisamment distincts. Le colonel lui-même, l’Habit Noir, n’a pas sur son visage, vivant ou mort, un voile plus épais que les romanesques conventions ne le permettent. On le voit glisser dans l’ombre des maquis ou mener sa barque corsaire dans les eaux de Londres et de Paris ; on le voit, on le devine, du moins. Il a d’autres allures que les modèles connus, mais Fra Diavolo, devenu vieux, peut bien craindre le rhume et s’habiller de flanelle.

M. Bruneau sera expliqué, Trois-Pattes aussi ; tous deux abondamment. Ils sont le torse même de la poupée, et notre faible pour la mutilation ne peut aller jusqu’à supprimer le corps de l’action pour en servir seulement les abattis.

Mais la comtesse Corona, cette fillette de Sartènes avec ses grands cheveux ébouriffés autour d’un maigre visage et ses yeux énormes sous la ligne nette et fine de ses sourcils noirs ; Fanchette, la petite sauvage qui porta la première parole de Julie à André, au péril de sa vie ; Fanchette, le dernier amour du bandit ossifié et déjà défunt ; Fanchette, l’ennemie de Toulonnais-l’Amitié, que nous vîmes un jour opérer ce miracle enfantin : la résurrection d’André Maynotte…

Qu’était-elle ? d’où cet attrait instinctif et profond pour André, attrait né avec elle-même en quelque sorte et qui n’empêchait point une passion tout autre de lui emplir, de lui briser le cœur ? que faisait-elle à Paris, enveloppée par la criminelle association dont les souillures semblaient ne la point atteindre ? quel rôle jouait-elle ? était-elle un agent de mal, sans le savoir ? neutralisait-elle, au contraire, dans la mesure de ses forces, le pouvoir occulte qui l’entourait ?