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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/252

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me disais : je serai sur le bord et je le sauverai… ou bien il m’entraînera ! »

Elle tremblait dans les bras d’André, qui déposa un froid baiser sur son front.

Au contact de ces lèvres glacées, elle se dégagea d’un effort violent.

« Vous ne me maudissez pas, dit-elle, blessée dans la misère de son cœur, parce que vous me savez dédaignée. Il ne faut pas me braver. André ! en Corse, les femmes poignardent les femmes ! »

Ils arrivaient au coin de la rue de Crussol. La lueur d’un lointain réverbère éclairait vaguement les traits bouleversés de la comtesse. André la regardait avec admiration, car elle était ainsi merveilleusement belle.

« Dieu vous a fait une famille, madame, dit-il. Je suis votre père, et il est votre frère. »

Elle eut presque un sourire.

« Ma mère et ma sœur ! murmura-t-elle doucement. Elles ont aussi bien souffert toutes les deux ! Je n’avais pas encore eu ce rêve. »

Quelques pas plus loin ils aperçurent la basse façade du café-estaminet de l’Épi-Scié qui barrait le fond de la ruelle.

« Vous sortiez de là ? demanda Fanchette.

— Non, répondit André. Dans quelques heures, j’y entrerai.

— Vous ! fit-elle, comme si elle eût parlé de profanation, vous, parmi ces hommes ! »

Puis, tournant le dos et reprenant sa marche en sens contraire :

« Mais vos minutes sont précieuses, André, poursuivit-elle, et ce n’est pas pour vous parler de moi que je suis venue. Il y a eu explication entre le baron Schwartz et sa femme.