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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/268

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— car il y a la bohème religieuse, et son représentant fait parler de lui dans le monde, — qu’elle se glisse dans les salons, qu’elle scandalise les parlottes ou qu’elle patauge tout uniment dans le ruisseau, la bohème est la bohème : une lèpre. Du haut en bas de sa désorganisation, le propre de la bohème est de se croire futée et d’être niaise à l’excès. Elle nie tout, sauf cette vérité primordiale que les vessies sont des lanternes.

Elle ne croit à rien, sinon à l’absurde, qui est son palladium et son saint-sacrement. Les lettrés de la bande appellent cette idole : le paradoxe. Les autres n’y vont pas par quatre chemins et font de cette prose sans le savoir.

Tous ont un langage à part, un argot, composé de lambeaux littéraires ajustés selon, le système des tailleurs d’Arlequin. C’est ce langage même qui les trahit et qui dénonce l’origine littéraire de leur indisposition. Vous ne trouverez pas un seul bohème qui n’ait été empoisonné par des phrases.

Il y en a qui récitent Voltaire, d’autres qui travestissent Bossuet. Dévalant ainsi l’échelle des intelligences, ces malheureux superposent leurs innombrables couches dont les dernières radotent l’opposition des almanachs, l’esprit des vaudevilles et le sentiment des mélodrames.

De telle sorte qu’en creusant ce baroque sujet, on arrive à cette conviction inattendue que M. Prud’homme est un bohème et que tous les bohèmes sont des Prudhommes.

« Conséquemment, reprit Similor, compulsant l’opulent répertoire de ses souvenirs, la société française est composée d’imbéciles et de finassiers qui sait tirer son épingle du jeu avec adresse. Les premiers sont la