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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/269

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dupe des autres, comme de juste, toujours gémissant sous l’oppression de l’hypocrite, qui a fait son beurre et qui dit : C’est à moi, je ne veux plus qu’on y touche ! Ça, c’est la loi, ouvrage de celui qu’a bourré ses poches Je premier. Alors, veux-tu rester dans l’opprobe de la gêne de ne jamais avoir de quoi te repasser aucun plaisir ?

— Non, non, répliqua Échalot qui faisait un paquet de ses loques. On a déjà convenu qu’on dédaignerait les vains préjugés de l’honneur !

— Allume, alors ! s’écria Similor, on profitera au moins de ses crimes. Qu’est-ce que tu veux faire de ces mouchoirs-là ?

— C’est ma lessive, Amédée ! Je vas laver les affaires de Saladin dans le canal. »,

Hélas ! hélas ! l’histoire de ce tendre Échalot pourrait aussi s’intituler : la Chute d’un Ange.

Il prit son paquet, il prit Saladin et la bouteille. L’idée de manger une saucisse entourait son front de rayons. Similor, nature plus mondaine, avait un peu honte du paquet et beaucoup de l’enfant. Dans sa pensée, cette créature nuisait à ses succès auprès des dames.

Certes, la misère n’a rien de comique, surtout quand elle pousse une bonne âme vers l’abîme. Nous éprouvons une sorte de pudeur à peindre cet mâle famille circulant dans Paris : Échalot, chargé de son triple fardeau, empruntant quelque chose de doux et de modeste à ses fonctions de femme ; Similor, toujours beau, toujours fier, marchant le jarret tendu, la pointe en dehors, cambrant son paletot jaune, portant son chapeau gris sur l’oreille, lançant des œillades assassines vers les devantures des magasins, et s’éloignant volontiers de son compagnon, pour faire croire qu’il était célibataire.