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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/274

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l’autre, n’avaient pas aimé. Ils virent Ida, un soir qu’elle prenait abondamment le rogome à la barrière, entourée d’une cour nombreuse et choisie. Ce feu dont parle la Lesbienne Sapho, en ses vers immortels, circula aussitôt dans leurs veines. L’air leur parut plus tiède, la brise plus parfumée ; ils comprirent le printemps, le chant des oiseaux, le sourire des fleurs.

Ida entonna un couplet patriotique. Elle dansa avec un cavalier qui avait deux jambes de bois ; le destin de nos deux amis fut fixé ; mais Échalot devait jouer ici comme toujours le beau rôle de l’ami qui se sacrifie. Similor, peu délicat, n’était pas jaloux des autres ; Échalot seul lui faisait ombrage. Qui sondera les bizarreries du cœur humain !

Échalot se drapa dans son abnégation. C’est à cette époque qu’il apprit l’art de fabriquer le poil à gratter.

Au bout de quelques mois, passés dans ce jardin d’Armide, à la porte duquel restait le mélancolique Échalot, Similor éprouva une grande joie et un grand orgueil.

Elle était mère !

À dater de ce jour, Ida Corbeau ne sortit plus de la boisson. Similor permit alors à Échalot de lui payer quelques douceurs. On passait de longues journées à imbiber Ida qui songeait sérieusement à se ranger plus tard.

Ce fut Échalot qui trouva ce nom de Saladin, non pas par un sentiment turc, mais parce que Joue-d’argent aimait tendrement la salade. Échalot eût brillé par sa gaieté douce dans bien des sociétés chantantes.

Un soir, Ida voulut faire un extra, mais c’était impossible. Une goutte fait déborder le vase plein. Elle rendit l’âme au moment où Saladin entrait dans ce monde. Le petit coquin naquit ivre. Échalot jura de