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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/278

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« Mairie du sixième arrondissement. Vaccinations gratuites de dix heures à midi, hôpital Saint-Louis. La prime est fixée à trois francs cinquante centimes, pour les parents munis d’un certificat d’indigence. »

Saladin n’était pas vacciné.

Un instant, Échalot et Similor restèrent sans paroles. La découverte du truc produit la joie qui étouffe. Il y avait pourtant un obstacle : c’était le certificat d’indigence.

« Parbleu ! décida Similor qui ne cherchait jamais longtemps, tu iras le demander tout seul.

— C’est toi le père naturel ! » objecta Echalot.

On conçoit l’horreur instinctive de nos deux amis pour les lieux où se délivrent les certificats.

Échalot, cependant, avait son idée. Il s’approcha de l’affiche et la décolla d’un seul temps sans la déchirer. C’est un art ; il y a de nombreuses familles qui en vivent. Aux interrogations de Similor il répondit :

« Amédée, on poussera ces trois francs cinquante jusqu’au double et triple par mon adresse ; en plus, on en épargnera la douleur à ton enfant de subir les tortures de la lancette ! »

Il y a quelque chose de supérieur à l’argent, c’est le crédit. Et que faut-il pour établir le crédit ? Un titre. L’affiche était un titre : elle constatait que Saladin valait trois francs cinquante, parce qu’il n’était pas vacciné. Une fois vacciné, Saladin ne valait plus rien. Munis de l’affiche et de Saladin, Échalot et Similor commencèrent une triomphante tournée. Partout on leur ouvrit un crédit de dix sous sur leur gage vivant. Pendant vingt-quatre heures, roulant de cabaret en cabaret, ils connurent l’abondance, — et Saladin fut sauvé de la vaccine !

Avions-nous tort de comparer Échalot à Jenner ?