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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/283

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formés par le frottement de cette auguste compagnie. Leur rêve était désormais une réalité.

Il est des enivrements si naturels qu’on n’a pas la force de les stigmatiser d’une parole sévère. D’ailleurs, combien de fois déjà Saladin n’avait-il pas été oublié soit sous un meuble, soit à un clou, sans danger pour sa santé ? C’est l’avantage des enfants de mélodrame. Le punch était roide, le vin chaud épicé à la papa, on faisait des calembours mémorables entre les blocs fumants, et on racontait des trucs qui eussent réveillé les morts !

Vers quatre heures du matin, un mouvement se fit. Un personnage qui semblait de première importance entra mystérieusement par la porte qui donnait sur le chemin des Amoureux. Ce personnage, coiffé d’une chevelure noire, portant de gros favoris de la même couleur et muni de lunettes bleues, éveilla chez nos deux amis une vague réminiscence. Ils ne firent, du reste, que l’entrevoir, et ils avaient l’œil un peu troublé par le trop de bonnes choses qu’ils avaient goûtées.

M. Lecoq n’avait ni favoris noirs, ni lunettes bleues.

Piquepuce leur dit, au moment où ils cherchaient à rassembler leurs souvenirs :

« À la niche, mes biches ! le rendez-vous tient à onze heures du matin, ici ; vous verrez le maître à tous, M. Mathieu…

— Trois-Pattes est le maître à tous ! s’écria Échalot, stupéfait. »

Et Similor, moins facile à étonner :

« Je m’en avais toujours douté que l’éclopé participait aux manigances ! »

Il faisait encore nuit noire quand ils reprirent l’allée qui menait aux boulevards. Similor allait en avant, la poitrine élargie et le cœur agrandi.