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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/300

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Certes, nos belles petites grisettes avaient raison de casser des noix et de n’aller pas songer à un crime. Elles avaient tort seulement de ne se point assez laver les mains. Un crime ! à quel propos ? C’est bon la nuit, à l’heure des cauchemars. Les crimes appartiennent tous à l’époque de la Tour de Nesle où les rues étaient étroites et privées de gaz. Depuis lors, les crimes sont renfermés, comme des bêtes farouches, dans ces ménageries de mauvaise mine, enfumées, honteuses, tristes, dès qu’elles n’ont plus leurs bordures de lampions : les théâtres.

Le jour, la forêt est au soleil, à la joie, aux chansons. L’entrée même des cavernes se dissimule derrière de souriantes broussailles.

Vers dix heures, les passants devinrent plus nombreux ; à dix heures et demie, il y avait foule. La foule est un filet humain qui s’arrête elle-même au passage. Cette opération produit le carré de la foule, qui est la cohue, souverain plaisir de Paris.

À onze heures, la cohue s’étouffait joyeusement de la porte Saint-Denis à la Bastille.

La cohue ne sait pas toujours bien pourquoi elle s’est massée. Elle se masse d’abord, elle s’informe ensuite, comme l’émeute sa cousine qui gagne des batailles à l’aveuglette et demande aux vaincus la route à prendre le lendemain, pour sortir de la victoire.

Ici, on savait quelque chose, et c’était déjà beaucoup, on savait que le convoi du colonel allait passer.

Qui était ce colonel ? le colonel Bozzo. Après ? un gros bonnet. En fait de quoi ? champ libre. Selon les jours, le temps qu’il fait, l’air qui circule, le convoi d’un colonel, gros bonnet en fait de n’importe quoi peut attirer un maigre millier de curieux ou vingt mille spectateurs. Cela dépend de la façon dont s’opère la boule de neige.