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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/301

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Il faisait beau ; le premier noyau s’était massé comme il faut ; il y avait en outre des gens qui semblaient groupés de parti pris, — quelque chose enfin. La cohue moussait magnifiquement. Le convoi promettait d’être aimable, gai, gaillard et méritant la compagnie des amateurs.

Vers onze heures et un quart, on entendit la musique militaire, ce que la foule expliqua en rappelant que le défunt était millionnaire. Voilà un grade que tout le monde connaît.

Quand la musique fit silence, des environs du café Turc où nous sommes, on pouvait apercevoir déjà un char empanaché comme le dais de la Fête-Dieu et traîné par des chevaux qui semblaient fiers d’appartenir aux pompes funèbres.

De temps en temps, la marche lente et processionnelle était coupée par un son de tambour unique, sourd, lugubre, rendu par les peaux d’âne, recouvertes d’un crêpe.

Dans la foule, ces observations remarquables allaient et venaient :

« On dit qu’il avait cent sept ans !

— Comme le rhum du père Lathuille !

— Encore un débris de nos vieilles gloires qui s’en va !

— Il n’avait jamais entendu le son du canon.

— C’était un colonel de cosaques !

— Béranger est dans le cortège.

— J’aime mieux Désaugiers, souvenez-vous-en, souvenez-vous-en !

— Mâtin ! rien que ça de clergé !

— Et de la troupe ! À bas le chapeau, vous !… C’est pour prier monsieur d’avoir l’obligeance de se découvrir.

— Tiens, voilà Gillouet. Eh ! Gillouet ! ici ! J’ai ma femme.