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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/308

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— Il abdique I s’écria le marquis, frappé enfin du corps que prenait l’idée.

— Parbleu ! en notre faveur. Et la famille de Charles X reste avec quelques entêtés voltigeurs de Louis XV, dont le faubourg Saint-Germain converti rit à gorge déployée !

— Le diable m’emporte, dit Gaillardbois, c’est une combinaison ! cela se fera-t-il ?

— Si je veux, repartit l’inconnu.

— Et s’il a des fonds, » ajouta le marquis.

L’Inconnu répliqua non sans un certain respect emphatique :

« Ce Lecoq se fait fort pour quatre ou cinq millions.

— Où pêchera-t-il cela ? grommela Gaillarbois.

— Si vraiment il y avait l’armée des Habits Noirs… » pensa tout haut l’inconnu qui du doigt pointa son front rêveur.

Le cortège dépassait la rue des Filles-du-Calvaire.

Étienne, mêlé à la foule, mais non pas pour suivre le convoi, tenait sous le bras un de ces bonshommes peu lavés, mal peignés, habillés de choses prétentieuses à bon marché, burlesques de la tête aux pieds, en haut par leur chapeau, en bas par leur chaussure, entre deux par la naïve vanité qui déborde par tous leurs pores, un de ces pitres de notre civilisation qu’on appelle des « artistes » aux environs des théâtres et que la langue vulgaire des autres quartiers intitule des cabotins. Étienne l’avait à lui tout seul. Étienne le possédait, Étienne ne l’eût pas lâché pour un empire !

Étienne parlait ; il ne savait pas que le mort passait ; il disait son drame à ce pauvre diable qui était utilité ne sais où, et se conciliait sa protection à force d’éloquence. L’artiste faisait des yeux saugrenus aux femmes qui passaient. Les grisettes le trouvaient bel homme,