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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/309

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parce qu’il avait une cravate amarante et des cols de chemise en papier.

« Je suis seul, disait Étienne : mon collaborateur se marie et abandonne le métier. C’était un garçon intelligent, mais qui n’aurait pas réussi. Mon cher Oscar, je veux vous coller un rôle de cinq cents, là dedans, si vous chauffez votre directeur.

— Mon directeur est un âne, répondit le cher Oscar avec franchise.

— Le fait est que, pour n’avoir pas encore confié un rôle de pièce à un jeune homme de votre force…

— Que payez-vous, Fanfan ?

— Ce que vous voudrez. »

Pour séduire ce puissant Oscar dont le directeur n’aurait pas voulu pour cirer ses bottes, Étienne eût donné sa jeunesse. Oscar exigea du vin chaud.

« Mon collaborateur avait trop de prétentions littéraires, reprit Étienne quand on fut assis dans un de ces cafés d’acteurs où vont les figurants et qui bordent les bas boulevards. Ils me font rire ! Nous avons marché depuis Corneille ! Ce qu’il faut, c’est le cadre…

— Et le tabac, ajouta Oscar.

— Garçon ! du tabac… J’ai le cadre, un cadre plus carré que celui de Victorine, ou la nuit porte conseil… c’est vif, brillant, brûlant.

— Du feu ! ordonna Oscar.

— Garçon ! du feu !… Qu’est-ce que c’est que le cadre de Victorine ? un rêve ! »

Oscar dit en allumant sa pipe :

« Merci, Seigneur ! ce n’était qu’une illusion funeste !

— C’est vieux comme Hérode, un rêve. Je ne voudrais pas me servir du rêve quand on me garantirait cent représentations à trois mille.