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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/316

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Maurice Schwartz debout, pâle comme elle et les yeux ardents, Edmée Leber, assise à ses pieds sur un coussin et gardant à son front attendri la sensation d’un baiser maternel.

Edmée avait la paupière mouillée : c’était la mère de Michel qui venait de parler. Maurice avait l’émotion de son vrai cœur, excellent et tout jeune, unie par une sorte d’adultère mélange à l’autre émotion factice qui pousse dans cet autre cœur, poche banale, particulière au genre auteur, où les choses sincères tombent et s’élaborent pour produire chimiquement les fâcheuses tirades, les exagérations et le pathos.

Mais Maurice, hâtons-nous de le dire, présentait un cas très bénin de choléra théâtral. L’épidémie l’avait touché à peine ; il restait digne d’admirer, de comprendre, de souffrir le vaillant effort, les héroïques calculs, la navrante douleur de cette noble et belle créature qui avait péché peut-être, mais qui se réhabilitait dans le martyre d’une immense expiation.

Elle ne parlait plus ; Edmée et Maurice l’écoutaient encore.

Elle avait parlé longtemps les yeux secs, mais le cœur déchiré par de poignants souvenirs.

« J’ai tout dit, reprit-elle après avoir partagé un muet baiser entre ces deux têtes filiales. Blanche ne devait pas m’entendre, car, sans le vouloir, j’accusais son père, et peut-être eussé-je éprouvé trop de peine à me confesser devant Michel. J’ai tout dit à celle qui doit être la femme de mon fils, à celui qui doit aimer et protéger ma fille. Ils avaient droit de savoir quelle terrible misère se cache sous notre richesse.

« Ma faute est d’avoir eu peur et d’avoir cru trop vite à l’abandon de Dieu. La mort d’André me brisait le cœur : je n’étais plus moi-même. La pensée d’aller en