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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/315

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taire. Entre Léonide et Céleste, attachée pourtant à ses devoirs et fière de son Champion, brûlait depuis vingt-sept ans une de ces flammes platoniques qui ne s’éteignent qu’avec la vie.

Tout était sens dessus dessous à l’hôtel proprement dit. Les Godillot, de 1842, s’étaient emparés des appartements et les ravageaient de fond en comble. Le maître ni la maîtresse de la maison ne prenaient, bien entendu, aucune part à ce forcené travail, et c’est à peine si le ménage Éliacin donnait aux préparatifs un coup d’œil languissant. Aucun pressentiment d’une péripétie prochaine n’existait pourtant. Les domestiques allaient et venaient d’un air libre, et le puissant Domergue lui-même avait sa physionomie de tous les jours.

Mais Mme Sicard, la camériste tirée à trente-deux épingles, qui rapportait de ses visites à sa marraine une bonne odeur de cigare, était inquiète. Sa curiosité, violemment excitée, la rendait malade. Au lieu de s’occuper de sa toilette comme cela se devait, Mme la baronne restait enfermée chez elle avec des petites gens dont Mme Sicard n’eût pas donné un verre du cassis qu’elle buvait en cachette.

La baronne Schwartz était dans sa chambre à coucher, tête nue et vêtue seulement d’un peignoir. Il y avait bien de la fatigue sur ses traits, bien de la pâleur à sa joue, mais sa triomphante beauté empruntait à ces signes de l’angoisse je ne sais quel attrait nouveau. Sans briller moins, elle était plus touchante, et les deux enfants qui se pressaient là contre elle, subjugués et collant leurs lèvres filiales à l’albâtre de ses mains, la contemplaient avec un superstitieux amour.

Ces deux enfants ne lui appartenaient pas par les liens du sang, et pourtant ils étaient à elle de tout l’ardent dévouement de leurs cœurs. Ils l’écoutaient :