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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/320

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contre André, sacré par l’apparence de son double crime.

« Ils pouvaient seulement le tromper ; ils le firent, égarant sa volonté vengeresse en dirigeant ses colères contre un innocent, innocent, du moins, au point de vue du crime qui fut notre malheur commun, mon Edmée chérie.

« Pendant des années, André crut que M. le baron Schwartz était l’auteur du vol, commis à Caen, au préjudice de votre infortuné père, dans la nuit du 14 juin 1825.

« Il y avait d’étranges témoignages à l’appui de cette erreur. Et dès le temps où André était prisonnier à Caen, il m’écrivait, rappelant la venue de ce Schwartz, pauvre et sans ressources, dans notre magasin, rappelant ce hasard qui le plaça dans la même diligence que moi quand je m’enfuis à Paris, rappelant les paroles du cabaretier Lambert, complice du vol : « L’Habit Noir a fait d’une pierre deux coups ; il en tenait pour la petite marchande de ferrailles ! »

« Et André me retrouvait, mariée à ce mendiant d’autrefois, qui maniait maintenant des centaines de mille francs, et qui avait supprimé le message à lui confié dans l’île de Jersey !

« Ce qui a sauvé le baron Schwartz, c’est une autre erreur : André a cru que je l’aimais.

« Et André est le plus grand cœur qui soit au monde !

« Il était juge ; il s’était fait juge. Il n’agit pas comme ceux qui l’avaient condamné, lui qui n’avait pourtant ni le frein de la loi, ni la lumière des débats, ni les témoignages rendus sous la foi du serment. Il avait le temps de s’éclairer. Sa vie s’était donnée à cette œuvre. Il attendit, il chercha, il trouva. »

La baronne déplia la lettre et l’ouvrit, sautant les