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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/344

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voir ainsi l’Europe civilisée, que dis-je ? l’Europe illustre, académique, officielle, entourer ce million qu’elle avait allaité petit sou.

C’était sous la pluie ruisselante de ces clartés qu’elle était souverainement belle, Mme la baronne Schwartz, — Giovanna-Maria Reni des comtes Bozzo, — avec son teint d’Italienne, mat et puissant, avec la royale noblesse de sa taille, avec la correction suprême de ses traits, encadrés comme ceux de la femme du Titien dans la gloire prodigue de ses cheveux noirs. Elle échappait justement, par le nom de sa famille, que nous avons à dessein rappelé, à la seule infériorité possible : à la protection de ses hôtes illustres. Elle était ici le pavillon éclatant qui couvrait de ses plis le blason pour rire servant de poulaine au riche vaisseau Schwartz.

Debout à son poste de maîtresse de maison, le visage éclairé par un digne et courtois sourire, je ne sais pourquoi vous eussiez dit qu’elle était assise sur un trône.

Il y a de ces prédestinées qui règnent partout et toujours.

On l’admirait, on l’enviait ; le baron Schwartz et d’autres peut-être l’adoraient.

Je n’ai pas dit : on la respectait. Elle était million. Chez nous, personne, y compris les dévots du veau d’or eux-mêmes, personne ne respecte le million. Cela tient à plusieurs causes, dont aucune ne fait honneur ni au million ni à nous.

Le bal du baron Schwartz, nous le savons, n’avait pas été donné pour la danse. Nous n’y sommes pas non plus pour voir danser. Ce qui nous importe, c’est d’y suivre notre aventure, qui semble attardée un instant au milieu de ces joies, mais qui hâte sa course, au contraire, et se précipite vers le dénoûment.

Le steeple-chase de nos mystérieux parieurs passait