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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/357

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Vous vous êtes dit : Cette femme manque de courage, il y eut dans son fait égoïsme et faiblesse.

Moi, je vous réponds : C’est vrai, mais ne jugez pas.

À la cour d’assises de Caen, ils se trompèrent purement et simplement. Vous, vous ne vous trompez point. Cependant, ne jugez pas.

Elle avait été lente à se développer, la merveilleuse beauté de ce corps ; aucune floraison hâtive n’avait escompté sa splendeur. L’âme était née tard dans cette enveloppe où Dieu avait pris son temps pour polir un chef-d’œuvre. Ne jugez pas ; l’âme était née enfin, une belle âme, brûlant à de magnifiques profondeurs. Il y avait ici, entendez-le, une femme vaillante et ardente, tressaillant à la passion dans toutes les parties de son être comme ces cordes sonores que le génie fait chanter ou gémir ; il y avait là un amour résolu, franc, sans bornes, élargi et sanctifié dans de navrantes veilles, un amour jeune et vivant, une chasteté de feu, une folie, une destinée.

Les jours passés ne comptent pas. La voici vierge, enfant, et si adorablement belle !

« Va-t-il m’appeler Julie ? »

Elle songeait à cela. Je vous dis qu’elle était enfant. Mais son sein battait, mais sa paupière tremblait, secouant des larmes. Dans cette route si courte qui la séparait de sa chambre à coucher, elle eut tous les souvenirs, toutes les aspirations, tous les désirs, toutes les terreurs qui avaient éprouvé les longues années de l’exil. L’idée de son crime l’écrasait ; mais André avait tant de miséricorde ! et il aimait si bien autrefois !

Que de changements en lui ! on disait que ses cheveux étaient tout blancs. N’importe : elle le voyait beau. Comme elle allait reconnaître son sourire !