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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/372

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crime, des maladresses et des enfantillages. On fait mieux la seconde fois. Ce qui se présentait à M. Schwartz, issant, comme dirait le blason, de la porte entr’ouverte, c’était la tête poilue de cette misérable créature. Trois-Pattes, vautré sur le tapis et dont il ne voyait point le visage. Ses deux mains avides (et il grognait de plaisir enragé, comme une bête affamée qui mange), se plongèrent dans cette forêt de crins, et sans quitter le couteau, tirèrent à lui avec une extravagante violence. Il voulait renverser avant d’égorger et fouler aux pieds le corps mort à la face de cette femme qui venait de dire tant de fois : je t’aime !…

La crinière vint. Voilà ce qui nous faisait peur. La perruque, pour employer dans notre confession le plus humiliant des mots, resta avec la barbe postiche entre les mains frémissantes de M. Schwartz, qui recula d’un grand pas, et demeura bouche béante.

Trois-Pattes s’était retourné, calme comme un homme sans peur, mais d’un mouvement viril et vif. C’était M. Bruneau, sans son masque de vulgaire bonhomie. C’était un visage jeune encore et remarquablement beau, couronné par une chevelure de neige.

M. Schwartz balbutia :

« L’homme de Jersey ! »

Puis il regarda l’objet grotesque qui pendait à ses mains et où le couteau se perdait. Ses yeux se ternirent, son cou s’allongea en avant, et il sembla que sa pensée s’éteignait.

Julie avait poussé un long cri. Un flux de vie l’inondait. La poitrine du banquier rendit un gémissement. rauque, parce qu’elle se prit à aller vers André, les mains tendues et balbutiant des sons inarticulés comme le langage des jeunes mères qui s’enivrent de caresses.