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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/374

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Julie enjamba le corps de M. Schwartz pour entrer dans l’appartement de ce dernier.

« Il est vengé ! » pensa-t-elle du fond de sa détresse, en jetant sur lui un regard de tardive pitié.

Quand elle revint avec la clef, il n’y avait plus de Trois-Pattes. André était debout et ferme sur ses pieds. Le regard suppliant de Julie implorait une parole.

Il prit la clef et reçut les indications nécessaires sans mot dire. Julie pleurait en parlant. Dès qu’elle eut achevé, il lui tendit la main de lui-même ; mais, comme elle voulut la baiser, il la repoussa doucement.

« Adieu, dit-il, nous ne nous verrons plus. Je vous ai pardonné… pardonné sincèrement. Secourez votre mari, comme c’est votre devoir. »

Julie se laissa glisser à deux genoux. Il s’éloigna sans détourner la tête.

Julie s’accroupit comme une pauvre folle, écoutant le bruit déjà lointain de ses pas. Son cœur était broyé, sa tête vide. Est-il besoin d’exprimer qu’elle ne se demanda point pourquoi André prenait seul le chemin de la caisse ? À supposer même que son cerveau gardât en ce moment la faculté de formuler une pensée qui n’eût point trait directement à son malheur, aucun doute ne serait né, aucun soupçon vulgaire.

À cette heure de la punition, André, pour elle, était grand comme un juge.

Il n’y avait rien en elle qu’un respect immense, religieux, docile. Précipitée des sommets de son espoir, condamnée à l’heure même où sa passion avait rêvé je ne sais quel dénoûment triomphant et radieux à des difficultés insolubles, condamnée en dernière instance, cette fois, sans recours ni appel, Julie ne se révoltait point.