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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/391

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vous n’aviez pas éteint votre lanterne, on verrait à faire mordre le tournevis… Ah bon ! voilà !

— Vous me faites mal ! gronda Lecoq avec angoisse.

— Patience ! ne bougez pas. J’y suis ! »

L’acier grinça. Il y eut un silence. Trois-Pattes travaillait, soutenu toujours par la main de M. Lecoq qui allait se fatiguant. Les deux témoins de cette scène invisible, mais dont la parole avait fait jusqu’alors deviner les moindres détails, restaient immobiles et muets.

« On danse toujours là-bas, reprit Trois-Pattes ; voilà une vis d’arrachée. Combien y en a-t-il ? Onze ! Cela durera du temps.

— Il ne faut pas que cela dure, s’écria Lecoq, sans cacher son martyre ; hâtez-vous, au nom du diable !

— Je me hâte, patron. Avez-vous pu faire l’échange des faux billets contre les bons ?

— Non, les faux billets sont à mes pieds.

— Voulez-vous que j’opère la substitution ?

— Non… continuez votre besogne ! »

La voix de Lecoq, brève et dure, annonçait une fièvre intense.

Il reprit, dans le besoin qu’il avait de parler :

« Quand je vous ai entendu entrer, j’allais faire ce que vous êtes en train d’essayer. Mais vous n’allez pas ! Donnez-moi cela !

— Seconde vis arrachée ! » fit Trois-Pattes.

Un soupir souleva la poitrine de Lecoq.

« J’ai éteint ma lanterne à tout hasard, reprit-il, ne sachant pas qui pouvait ainsi venir.

— Vous êtes un homme prudent, patron, et avisé. Voici la troisième vis. On dirait que j’ai fait ce métier-là toute ma vie !… Elle est bonne, dites donc, l’idée de cet André Maynotte : avoir mis des hameçons plein le brassard ! La chose vous avait si bien réussi là-bas à