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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/411

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Caen ; il a tenté de m’achever à Paris, chez lui, rue Gaillon, où je fus sauvé par une chère créature, qui depuis est morte sous ses coups ; il m’a hissé au gibet de Londres ; hier enfin, il a mis sur moi son dernier crime, le meurtre de cette belle et infortunée comtesse Corona, si bien que je serais encore sous les verrous, si le long apprentissage de la bataille ne m’eût enseigné l’escrime qui pare ses coups… »

À ce moment, un bruit se fit entendre de l’autre côté de la porte principale, donnant sur le salon de M. Champion. Lecoq tressaillit sous le pied d’André et tendit l’oreille. C’était son premier signe de vie, depuis qu’il avait été terrassé. En même temps, la porte dérobée, communiquant avec l’hôtel, eut un imperceptible mouvement. Un rayon s’alluma dans l’œil de Lecoq.

Les autres ne prirent pas garde.

« C’est la trappe qui tombe sur quelque subalterne, dit André, faisant allusion au bruit venant du salon Champion ; cela ne nous importe point, et je continue. Le logis de Bruneau a été cerné après le meurtre de la comtesse. Il n’y avait qu’un mur entre le logis de Bruneau et la mansarde de Trois-Pattes. Ils savaient qui était Bruneau : cela les empêchait de s’inquiéter de Trois-Pattes. Le déguisement était si bon qu’ils avaient chargé Trois-Pattes de surveiller Bruneau !

« Il fallait cela. Il s’agissait de tromper un homme dont le regard perçait tous les masques. L’Habit Noir, le Père, le Mogol, car le chef a ces trois noms dans la bande, était un esprit prudent, subtil et doué d’une adresse diabolique. Il a égaré longtemps mes recherches, faisant pour moi comme il avait fait pour la justice, et s’abritant derrière le baron Schwartz que j’avais tant de motifs de haïr. Il était le maître, celui-ci n’est qu’un valet ; il était la pensée, celui-ci n’est que le bras.