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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/414

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en se rapprochant du grillage. J’ai dit tout ce qu’il fallait dire, messieurs, non point pour me venger de vous, mais pour que vous sachiez mesurer l’étendue de votre dette envers celle qui a nom Mme la baronne Schwartz. Nous sommes cinq à connaître son secret, qui peut la tuer comme un coup de poignard au cœur : vous deux, le baron Schwartz, cet homme et moi. Vous deux, avant de savoir, vous avez eu pitié…

— Vous vous trompez, monsieur Maynotte, l’interrompit le conseiller à voix basse ; nous n’avons pas le droit d’avoir pitié. Nous faisions ce qu’il fallait pour changer un doute en certitude… Dieu vous a suscité à temps.

— Bien, dit André ; maintenant que vous savez, votre devoir me répond de vous. Restent le baron, moi et cet homme. Le baron aime Julie et lui donnerait son sang. Moi… faut-il parler de moi ? Il n’y a que cet homme ! Depuis vingt ans, il plane sur notre vie comme un mauvais destin. Je viens de l’arrêter au moment où il touchait le but ; je viens de lui arracher sa proie, sur laquelle sa main avide déjà se refermait. Il est vaincu, il est brisé, il n’espère plus… Je me trompe ! il espère se venger en mourant, se venger de moi ! il se plongerait tout vivant en enfer pour assouvir sa rage. Or, il sait où est mon cœur, il sait où me frapper : Julie n’est pas encore sauvée.

— En présence de nos témoignages, voulut dire le conseiller, les tribunaux…

— Je n’ai pas confiance ! l’interrompit André avec rudesse. Aujourd’hui comme autrefois, je veux qu’elle soit à l’abri pendant que les tribunaux jugeront.

« Je vous prie de m’excuser, messieurs, reprit-il plus calme. Il s’agit pour moi de sauver Mme la baronne Schwartz, et il ne s’agit que de cela. Si vous avez con-