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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/74

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et par derrière. Le danger les entourait de toutes parts.

« Mais Giovanna, maintenant, appuyait sa belle tête pâle sur le cœur d’André et ils étaient heureux.

« Sept jours après la fuite du château, ils purent atteindre la mer, qui pourtant n’était pas à plus d’une journée de marche. Il débarquèrent à Sassari de Sardaigne et furent mariés par un prêtre, qui était l’oncle maternel d’André.

« Oh ! le printemps délicieux ! Sassari était trop près ; ils gagnèrent les îles d’Hyères, où l’on est si bien pour aimer. C’était trop près encore. Ils traversèrent la France entière pour mettre un grand espace entre eux et le malheur. Giovanna allait être mère : ils avaient toutes les félicités.

« André chercha une ville qui ne fût pas sur les routes qui mènent de Paris aux capitales de l’Europe. Il choisit Caen, la vieille cité tranquille, à quatre cents lieues de Sartène, et, regardant autour d’eux, les jeunes époux respirèrent ; ils se croyaient à l’abri.

« Mais un démon était sur leurs traces, un démon invisible. Au milieu de leur souriant bonheur et alors que l’enfant, placé entre eux deux comme une caresse, multipliait les joies de leur paradis, ils étaient déjà condamnés.

« Un soir, un juif brocanteur, qu’André n’avait jamais vu, vint lui offrir le brassard ciselé qui joue un si funeste rôle dans l’affairé Bancelle. Le juif avait ses papiers en règle et l’acte de vente qui le constituait propriétaire du brassard. En face de cette œuvre d’art authentique, et qu’il se sentait de force à restaurer complètement, André rêva une petite fortune. Sa Julie, car Giovanna portait désormais ce nom, était si bien faite pour briller parmi les heureux de ce monde !