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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/82

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reur Napoléon étaient aux Invalides, la Gazette des Tribunaux racontait le percement de la rue Rambuteau ; Louis-Philippe régnait ; quelques personnages trichaient du haut de leur grandeur, et biseautaient, pour des billets de banque, les cartes du lansquenet gouvernemental ; on parlait tout haut de corruption politique ; les journaux frappaient sur le ventre de tel homme d’État en plaisantant, comme on fait entre amis, et lui disaient : « Mon gaillard, tu es un vendu ! » On ne méprisait pas trop ceux qui y mettaient un bon prix. Toute chose tournait à la raillerie : députés satisfaits et journalistes indemnisés faisaient assaut de bonne humeur ; l’apparence était d’une gaieté folle ; on ne prononçait, on n’écrivait surtout le mot vertu que pour faire rire les badauds à gorge déployée.

La paix régnait en Europe, la paix à tout prix, comme disait l’opposition ; on riait des menaces de guerre aussi bien que de tout le reste. La prospérité matérielle grandissait ; l’industrie prenait un élan mémorable et l’on pourrait appeler ces années l’âge d’or de la commandite. Des fortunes scandaleuses montaient, tombaient, s’enflaient, s’aplatissaient : c’était bénédiction. Paris ressemblait à une immense rue Quincampoix, où incessamment trépignait l’agiotage. Les riches jouaient et gagnaient ; les pauvres jouaient et perdaient ; le gouvernement, brochant sur le tout, faisait, disait-on, sauter la coupe.

Et quelque chose craquait sourdement dans cette machine, chauffée à pleine vapeur. Il y avait d’étranges symptômes ; le rire ne sonnait pas franc, l’orgie était malade. Confusément, chacun se sentait entraîné par je ne sais quelle fatalité.

Il y avait des crimes : cela porte malheur à un règne ; il y avait des crimes intéressants, des forfaits dra-