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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/83

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matiques, des causes célèbres en quantité. Le notaire Peytel faisait concurrence à Mme Lafarge, Éliçabide rivalisait avec Léotade, et les dames de Marcellange servaient à la curiosité fiévreuse d’une cohue misérablement blasée sur toute chose honnête et bonne, la plus belle comédie de sang que jamais cour d’assises ait représentée.

Le crime grouillait ainsi dans les hautes couches de l’atmosphère sociale ; dans les régions moyennes, les mains, moins rouges, étaient plus crochues ; tout en bas, c’était la danse macabre du vice voleur et assassin. On voyait cela, très vaguement ; on riait toujours, mais on avait peur.

La plume se taillait, cependant, qui allait écrire les Mystères de Paris, ce livre bizarre et tout près d’être magnifique, qui a eu le grand tort de placer nos misères sociales dans le domaine de la féerie. À force de chercher l’imprévu, Eugène Sue trouvait l’incroyable ; il remuait à poignées les terreurs vraies, et, par son procédé, les faisait invraisemblables. Si jamais romancier mérita le nom d’historien, ce fut lui, et pourtant, qui ajoute foi à ses tableaux, sinon l’exagération de la naïveté populaire ?

Il prêchait, en outre, et c’est un tort mortel ; ce sont les faits qui doivent avoir de l’éloquence, non pas le conteur ; il prêchait en une langue généreuse, très difficile à comprendre et que peut-être il n’entendait pas parfaitement lui-même. Ce vocabulaire du socialisme, qui n’a pas trente ans, semble bien plus gothique que le français d’Amyot ou de Montaigne.

Nous n’avons pas prononcé le mot au hasard ; autre trait de caractère : le socialisme naissait parmi ces troubles ; il balbutiait de tous côtés déjà ses déclamations austères. Ses apôtres s’entre-déchiraient à si belles