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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/87

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coûte un uniforme ? Un prêtre : ils se moquent des choses saintes ! Une femme : il y a eu le chevalier d’Éon.

Le fait, le voilà : Vautrin existe. Il a le nom qu’il a voulu prendre. Il est M. Martin ou M. le duc. Les titres pleuvent. On prend dix noms plutôt qu’un ; il faut jouer avec la police. L’évidence n’a pas besoin de preuves ; niez le soleil, il vous aveugle : l’existence de Vautrin se démontre par la besogne qu’il donne au jury. Mettez des barres d’acier à vos portes.

Et tremblez, malgré cela, car il n’y a contre lui ni portes, ni barres, ni serrures. Il est sorcier.

On ne disait pas : Vautrin ; le mot est de nous, qui rendons ainsi un hommage volontaire au plus grand portraitiste de ce siècle. Les gens connaissant le Vautrin de Balzac ne formaient pas la millième partie de la rumeur. La rumeur, d’un autre côté, était trop sérieuse pour s’égarer à ces allusions littéraires. On ne prononçait aucun nom. Et pourtant, il faut toujours un signe pour représenter une idée si vague, si fantastique qu’elle soit. Le signe y était ; on disait : L’Habit-Noir.

Et, grâce à des souvenirs plus ou moins récents, vagues et profonds comme la rumeur elle-même, cela sonnait plus haut que si l’on avait dit : Bob-Roy, Jacques Sheppard, Fra-Diavolo, Zampa, Schinderhannes ; cela sonnait dix fois, cent fois autant que Vautrin !

Tous ceux qui ont plus de trente ans peuvent garder souvenir d’un fait qui côtoya de très près notre histoire. En cette même année 1842, la cour d’assises de la Seine jugea une bande de malfaiteurs de la plus dangereuse espèce qui durent à ce sobriquet : les Habits Hoirs, la meilleure part de leur triste célébrité. Ces Habits Noirs appartenaient peut-être à la terrible association qui fut la frayeur de Paris ; rien ne prouve