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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/88

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le contraire, mais alors, au lieu de capturer l’état-major, la police s’était laissé prendre par les goujats de l’armée.

Ces Habits Noirs-là, vulgaires scélérats, un peu mieux couverts que le gibier ordinaire du jury, portant des gants et faisant, l’un d’eux au moins, de piètres vaudevilles, ne servirent qu’à donner le change un instant. Ce n’était pas là le roi Vautrin et ce n’était pas sa cour. L’Habit-Noir, le véritable, paraissant tout à coup parmi cette séquelle, eût mis sa cheville à la hauteur de leurs fronts.

Ce géant qu’on appelle tout le monde, est un romancier aussi, mais Dieu sait ce qu’il invente : ses imaginations ont cent queues et cent têtes. Une fois l’Habit-Noir inventé, ou retrouvé, la poésie de tout le monde se mit en frais et le drapa de pied en cap dans le manteau de ses propres fantaisies. Il eut tous les noms, tous les costumes et toutes les physionomies. Nul ne douta. Sa grande figure plana dans l’ombre de ces fêtes vineuses et rauques qui enrouent les échos de la Cité ; les conteurs bourgeois lui cherchèrent des bons mots avec de bonnes aventures, et les salons nobles eux-mêmes entr’ouvrirent en riant leur porte à cette gloire légendaire.

En riant, voilà toute la différence. Aux veillées campagnardes, la peur est sérieuse. Les veillées parisiennes ont beau trembler, cela ne les empêche pas de rire. Elles font une nique bouffonne à leurs terreurs et se consolent de leurs crédulités à force de moqueries.

Nous avons tant d’esprit à Paris ! Voyez plutôt quelle douce gaieté entoure aujourd’hui ce nom de Jud, l’assassin à la mode. C’est un parfait comique. Les petits enfants éclatent de rire au nom de Jud. Qui donc va songer au sang qu’il a sur la main ? Il fait courir les