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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/95

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s’arrêta au bout de quelques pas à l’entrée de la maison voisine. Il frappa et donna un petit coup à la vitre du concierge qui lui cria sans se déranger :

« Elle n’est pas encore venue, monsieur Bruneau, la lettre qui vous apportera vos vingt-cinq mille livres de rentes !

— Elle viendra… Patience !… patience ! »

On lui répondit de la loge par un éclat de rire.

M. Bruneau monta le premier étage posément, et les trois autres avec une agilité soudaine. La porte de son logis était au quatrième étage et portait son nom écrit à la craie.

Si quelqu’un avait eu intérêt à espionner M. Bruneau, et nous verrons bientôt que ce quelqu’un existait, voici ce qu’il eût découvert en mettant son œil et son oreille à la serrure du marchand d’habits.

Les Normands sont prudents. Le premier soin de M. Bruneau en prenant possession de son logis fut de donner deux bons tours de clef, après quoi il alluma sa lampe. C’était pour lui l’heure du souper, il mangea un morceau sous le pouce ; ce repas dura juste cinq minutes et fut pris du meilleur appétit.

« À la niche ! dit-il assez haut pour être entendu de l’escalier. »

Les gens qui vivent seuls contractent cette habitude de parler avec eux-mêmes. M. Bruneau vivait absolument seul.

Sa toilette de nuit ne fut pas plus longue que son repas. On put ouïr les planches de son lit qui craquaient avec bruit.

« Bonsoir les voisins, dit-il encore tout haut et joyeusement. »

Et la lampe s’éteignit. On allait évidemment dormir de la bonne manière !