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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/103

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en cultivant l’unique pot de fleurs de sa fenêtre, jette chaque matin sur la nature un long regard qui vaut toutes les exclamations des touristes.

En France, il est de mode de se pâmer devant le moindre brin d’herbe, de tomber en arrêt à l’aspect d’un vert bocage. Les romanciers ne se tiennent pour satisfaits que lorsqu’ils ont orné leurs fictions d’une douzaine de descriptions plus ou moins exactes de toutes les plaines, vallons ou collines que leurs personnages traversent pour se rendre au dernier chapitre. Ce serait à croire que les trois quarts des Parisiens passent leur vie à effeuiller des marguerites au pied de la colonne Vendôme et se nourrissent de feuilles de roses chez Bignon. Le lecteur finit par se lasser de voir à chaque instant l’héroïne se baisser pour cueillir une simple fleur des champs ou le héros se mettre à quatre pattes pour brouter l’herbe tendre ; il saute les descriptions.

Nos auteurs ne suivent pas l’exemple des écrivains français et ne sont guère prodigues de descriptions. Ils ont peut-être raison après tout ; ce qu’ils pourraient écrire serait tellement au-dessous de la réalité. Nous n’avons qu’à fermer le livre et qu’à regarder devant nous, pour contempler le plus beau et le plus varié des spectacles.