Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/144

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dans quel siècle nous vivions ; il répondit que nous étions dans le dix-huitième : il fut admis à l’unanimité !

Ce titre d’étudiant a conservé quelque prestige et on ne le porte guère sans un peu de crânerie. Il est reconnu que ce sont les étudiants qui ont fait la révolution de 1830 en collaboration avec Alexandre Dumas, dont ce n’est pas la meilleure pièce ; cela répand une certaine gloire sur les jeunes têtes qui savent porter la casquette.

Cependant, il y a des étudiants timides, et l’un d’eux nous racontait un jour, entre deux doses de Pothier et pour en suspendre les effets, la plaisante histoire de son entrée en cléricature.


La scène se passe à Montréal.

Le père de mon héros l’avait amené du fond de la campagne pour le placer chez un avocat célèbre. C’était un modèle qu’il donnait à sa jeune ambition. Le grand orateur l’accueillit avec bonté et le fit placer au coin d’une table surchargée de dossiers, tandis que le pauvre garçon tremblait de tous ses membres, à cette première vue de la gloire sous figure humaine.

Il était accoudé depuis un quart d’heure au poste qui lui avait été assigné, lorsque la voix du patron retentit. C’était une mission importante qu’on lui confiait, quelque chose comme un ordre de bataille :

— Allez porter ce fiat à M. Honey, au greffe.

Il prit son chapeau et sortit. Mais qu’était ce au juste qu’un fiat ? Où était ce greffe qui recélait M. Honey ? Il alla droit devant lui, regardant tour à tour les enseignes pour voir s’il n’y trouverait pas l’indication du greffe et la figure des passants pour voir s’il ne connaîtrait pas M. Honey. Puisque son patron ne lui avait pas indiqué davantage le greffe, c’est que rien n’était plus facile à trouver et, qu’entre mille, on devait