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qu’il entendit venir quelqu’un. Il se dit qu’il s’était trop pressé d’entrer. Les pas se rapprochaient : il serra son fiat sur sa poitrine et attendit. C’était encore un personnage à cravate blanche qui passa sans mot dire :

— Pardon ! Monsieur, lui dit notre héros, je suis clerc chez M. X., le célèbre avocat ; il m’a donné un fiat à porter au greffe, à M. Honey. Auriez-vous la complaisance de me dire où est le greffe et si je puis voir M. Honey ?

L’avocat, qui était un homme grave et qui, de plus, venait de perdre une cause, le toisa des pieds à la tête :

— Je n’aime pas les mauvaises plaisanteries, dit-il brusquement.

Notre héros, son fiat à la main, était aussi perdu dans le corridor solitaire que Robinson sur son île. Une sombre mélancolie s’empara de lui. Il songea à son village natal et aux objets familiers qu’il y avait laissés. Les reverrait-il jamais ?

Cependant M. X., son illustre patron, lui avait confié ce fiat. Mort ou vif, il devait le déposer entre les mains de M. Honey.

Il prit son courage à deux mains et s’élança dans l’escalier. Il alla se heurter sur un gros monsieur qui descendait en gesticulant contre les juges :

— Pardon ! Monsieur, lui dit-il, je suis clerc chez M. X., le célèbre avocat ; il m’a donné un fiat…

L’histoire pourrait durer longtemps comme cela et le narrateur la faisait durer. Mais arrêtons les frais.

Notre héros finit par trouver le greffe et par remettre en mains sûres le fiat ! Il s’en retourna au bureau, débarrassé d’un poids immense.


Les études d’un clerc avocat consistaient, à cette époque, à copier les déclarations de son patron, le jour, et à fumer la pipe, le soir. Ça ne doit pas être changé !