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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/157

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meilleurs ménages. Tel mari bat sa femme qui, avant le mariage, était doux comme un mouton et tendre comme un tourtereau.


La lune de miel de la Confédération se passera en élections. On pourrait lui souhaiter des plaisirs moins bruyants. Bon gré mal gré, il faut qu’elle passe par là ; c’est le prix des grandeurs dans les pays libres.

D’ici à un mois ou deux, chacun de nous va avoir à se choisir un représentant, à opter entre deux ou quatre candidats. Pour bon nombre de nos lecteurs, l’embarras sera grand.

— Pour la première fois, je suis électeur, nous écrit un de nos amis, et d’avance je me faisais une joie patriotique de voter. Mais voyez ce qui m’arrive.

Trois candidats briguent mon suffrage : l’un ne sait pas lire, l’autre épelle, le troisième lit couramment l’imprimé, mais le manuscrit est hors de sa portée. Vous allez me dire de voter pour celui qui lit couramment. Il semble en effet que ce soit le parti le plus sage ; mais écoutez la suite de l’histoire.

Celui qui ne sait pas lire est venu me trouver, et ses raisons m’ont touché. Il a peu de moyens et il est à la tête d’une grande famille, qui augmente chaque année. Il a fait le sacrifice d’envoyer l’aîné au collège, dans l’espoir qu’il aiderait plus tard aux autres. Le jeune homme a terminé son cours avec succès ; il s’est fait recevoir avocat et il attend, la plume à l’oreille, des clients qui ne viennent pas.

Le père veut se faire élire député dans l’espoir de placer son fils au bureau des traducteurs français du Parlement.

Puis-je refuser ma voix à un homme qui la sollicite pour un motif si digne de sympathie ?

Attends un peu, cependant. J’ai reçu également la visite du second candidat : celui qui épelle. Son histoire aussi vaut la peine d’être écoutée. Celui-ci est las du commerce qu’il