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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/158

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exerce et qui, petit à petit, l’a enrichi. Il voudrait changer de sphère, embrasser une profession indépendante qui lui fournisse chaque année l’occasion d’aller passer quelques mois loin de son comptoir et de ses livres de compte. Il a besoin de distractions, d’un petit voyage de temps à autre. Son médecin lui recommande l’air d’Ottawa.

Le troisième, celui qui sait lire couramment, a plus de prétention. Il a été maire de son village, puis préfet du comté ; maintenant il désire être membre du Parlement. Fais-le causer tant que tu voudras, tu n’en tireras pas d’autre raison.

Des trois pour qui voterais-tu ? Mon choix est fait. Pour des raisons d’humanité, un motif de bienfaisance, je donnerai ma voix à celui qui ne sait pas lire, afin de lui aider autant qu’il est en mon pouvoir à placer son fils au bureau des traducteurs français.


Une chose qui me frappe, c’est qu’en plus d’un comté il est surtout question comme candidats de gens qui, dans l’ordre ordinaire des choses, devraient rester chez eux. La vie privée est-elle donc devenue si maussade qu’il faille absolument l’échanger contre la vie publique ?

La plupart des candidats ne veulent même pas se contenter d’un seul mandat, il leur en faut deux. L’appétit vient en mangeant. Dans certains cas, cependant, les aspirants, pour vouloir trop avoir, pourraient bien s’asseoir entre deux sièges.

Étant donné un candidat de médiocre valeur, les électeurs ne comprennent pas très-bien l’importance qu’il y a de l’envoyer aux deux Chambres. Il les représente déjà insuffisamment dans une seule ; c’est assez. On le trouve gourmand ; il désire donc tout avoir à lui seul ! Il tire les plats à lui et ne veut rien laisser aux autres.

— D’ailleurs, dit le peuple, on ne peut pas manger avec deux cuillers à la fois.