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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/48

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LA VIEILLE RUE NOTRE-DAME

cléricature. D’ordinaire, ceux qui se permettent ces petites excursions hors de leur domaine, ont pour cicerone un flâneur émérite, qui commente le texte qu’ils ont sous les yeux.

On reconnaît facilement le faux flâneur, celui qui ne flânait pas hier, et qui ne flânera pas demain. Il a la démarche mal assurée ; il va trop vite ou trop lentement ; il ne sait pas s’arrêter au coin de la rue ; il ne sait pas tout voir sans trop regarder ; enfin, il menace de se perdre sans cesse dans la foule des passants.

Voici quelques-uns des articles du code du flâneur de la rue Notre-Dame :

1°. Tous les hommes sont nés pour être des passants, mais il n’y a que quelques passants qui soient nés pour être des flâneurs.

2°. On devient passant, mais on naît flâneur.

3°. Le chemin de fer urbain est un passant, mais il ne sera jamais un flâneur.

4°. Le père d’un passant peut-être un ex-flâneur, et plus souvent encore le fils d’un passant est un flâneur.

5°. On cesse d’être flâneur en devenant père de famille, propriétaire ou conseiller municipal.

6°. Le veuvage, la perte de sa propriété ou de son élection municipale fait rentrer le flâneur dans ses droits et son titre.

7°. Un flâneur trouvé coupable d’avoir porté un parapluie par simple précaution, ou d’être entré dans un magasin à cinq heures de l’après-midi pour faire un achat sérieux, est déchu de son grade et renvoyé dans la rue St. Paul.

8°. La plupart des passants voudraient être des flâneurs. Dans tout passant, il y a un flâneur mort jeune.

9°. Les passants s’arrêtent un peu partout : au coin de la rue St. Jean-Baptiste, aux quatre coins de la rue St. Gabriel ; les flâneurs ne s’arrêtent qu’au coin de la Place d’Armes, côté, Lyman, au coin de la rue St. Lambert, et au coin de la rue St. Vincent.