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Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/50

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LE JOUR DE L’AN

saviez comme vous êtes ridicules et ennuyeux, vous autres hommes…

Je m’inclinai.

— Ce n’est point une personnalité : c’est une observation générale à laquelle vous ne faites point exception, naturellement.

Je m’inclinai de nouveau.

— Je disais donc, lorsque vous m’avez interrompu, que vous ne sauriez imaginer combien vous êtes ennuyeux et ridicules, vous autres hommes, lorsque vous vous livrez à cet exercice, à cette pantomime annuelle qui consiste à traverser une centaine de salons au pas de course, à vous asseoir une minute sur le coin d’une chaise pour répéter les refrains de la journée et à vous enfuir aussitôt qu’une autre bande de visiteurs arrive ! Dans l’intérêt des hommes surtout, on devrait abolir le jour de l’an ; à la rigueur, il n’est supportable que pour les femmes, pour qui tous les prétextes de mettre une jolie robe, sont bons. Nous ne vous recevons pas, croyez-le bien, pour apprendre de vous quel temps il fait cette année et quel temps il faisait l’année dernière ; mais tout simplement pour que vous admiriez l’art de nos toilettes et que vous alliez dire à celles à qui cela peut déplaire, comme elles nous vont bien. Malgré cela, comprenez-vous qu’il y ait un jour de l’année où l’on soit obligé, si jolie et spirituelle que l’on puisse être, de causer de la neige ou du beau temps, avec des gens qu’on ne reverra que pour leur entendre dire la même chose, douze mois après ?

— Mais il me semble, madame, lui ai-je dit, qu’il y a un moyen bien simple et que je n’ai pas la prétention d’inventer, de se soustraire aux ennuis du jour de l’an : c’est de le supprimer pour soi-même, c’est de fermer sa porte aux visiteurs et de se mettre sous clef dans sa chambre avec un roman à lire ou une coiffure nouvelle à essayer.

— Vous déplacez la question, comme disent les journaux.