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Page:Fabre - Les Auxiliaires (1890).djvu/100

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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

hulotte se rapproche des habitations et pénètre dans les granges pour y faire le métier de chat, et mériter le nom de chat-huant qu’on lui donne. Elle rivalise de patience et d’adresse avec Rominagrobis lui-même pour guetter et saisir les souris et les rats. C’est un hôte qu’il faut respecter dans nos greniers quand la faim l’engage à les visiter. Sa tournée faite, elle retourne au bois de grand matin, se fourni dans les taillis les plus épais ou sur les arbres les plus fouillés, et y passe tout le jour, silencieuse et immobile. En hiver, son domicile est toujours le creux d’un arbre. Elle pond dans les nids abandonnés des pies, des corneilles, des buses, des crécerelles ; ses œufs, d’un gris sale, ont la grosseur de ceux d’une petite poule, mais sont arrondis.

La chouette des clochers, nommée aussi effraie, est un oiseau de tournure disgracieuse, un peu plus petit que la hulotte. Son plumage ne manque pas d’élégance. Il est roux en dessus, ondé de gris et de brun et joliment piqueté de points blancs compris entre deux points sombres ; il est blanc en dessous, avec ou sans mouchetures brunes. Les yeux sont enfoncés et entourés d’un cercle régulier de plumes blanches et fines presque semblables à des poils ; une collerette rousse sur les bords encadre la face. Le bec est blanchâtre ; les serres ne sont gantées que d’un duvet blanc, très court, à travers lequel s’aperçoit la chair rose. L’oiseau n’a rien de la fière attitude du grand-duc et du scops ; son port est gauche, embarrassé, presque honteux. Le dos voûté, les ailes pendantes, la face renfrognée, le regard triste, les jambes longues et mal cambrées, telle est l’effraie au repos. Comme pour mettre le comble à sa disgracieuse pose, l’oiseau, lorsque quelque chose l’inquiète, balance ridiculement le corps de droite et de gauche, les yeux hagards, les ailes un peu soulevées.

Jules. — Et dans quel but ce balancement ?

Paul. — Dans le but sans doute d’effrayer son ennemi. Au moment du péril, la chouette des clochers a en outre pour sa défense un grincement âcre gre, grei, crei, qui en impose souvent à l’agresseur. Son cri habituel, au milieu du silence de la nuit, est un souffle lugubre chê, chêi, cheû, chiôû, semblable au râle d’un homme qui dormirait la bouche ouverte. À ces cris effrayants associez l’obscurité de la nuit, le voisinage des églises et des cimetières, et vous comprendrez com-