Aller au contenu

Page:Faguet - Propos littéraires, 2e série, 1904.djvu/6

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Même point de départ, avec un peu plus d’audace et de décision tranchante, et voici M. Taine. Raison, c’est-à-dire faculté de généralisation, et élimination du particulier, de l’individuel, Boileau a radicalement éliminé l’individuel, et tout l’art classique à sa suite a éliminé l’individuel. Tout cet art est abstraction. Il n’y a pas un trait de vérité concrète et vivante dans le portrait de la lieulenante criminelle Tardieu ; Onuphre et Cydias sont des généralisations vagues ; Néron est le tyran de lieu commun, Joad le prêtre en général, et Phèdre l’adultère par abstraction. C’est à ce point que « les sens n’ont pas une seule place dans le théâtre de Racine » (!) Par souci de raison généralisante et desséchante, l’art classique a absolument banni la nature et le naturel.

Même point de départ, avec plus de précision dans la définition du mot initial, unique et sans réplique, et voici M. Krantz[1]. M. Krantz a trouvé avec raison qu’on répétait un peu trop le mot fameux, sans se donner la peine de dire ce qu’on entendait. Lui aussi a crié Tarte à la crème ! mais il « a dit un peu ses raisons. » Raison donc, puisque raison il y a, ne signifie pas seulement, commepour M. Nisard, bon sens, sagesse pratique, droiture et honnêteté de l’esprit et du cœur. Cela est prendre les choses trop bonnement, et ce n’est point là une explication

  1. Essai sur l’esthétique de Descartes étudiée dans les rapport de la doctrine cartésienne avec la littérature classique française au XVIIe siècle (1882).