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Page:Faguet - Propos littéraires, 2e série, 1904.djvu/7

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assez étroite. Raison ne signifie pas, comme pour M. Taine, faculté généralisante, abstrayante et éliminante ; cela est trop gros encore, et la vérité est une pointe plus subtile que cela. La Raison de Boileau, c’est, bien strictement et exclusivement, la Raison pure, la raison au sens philosophique le plus étroit, la raison cartésienne, la raison telle qu’elle est dans la définition qu’en donne Descartes, à savoir la faculté de connaître l’essence, exclusion faite du contingent ; l’universel, exclusion faite du particulier ; la suprême généralité, exclusion faite de l’accident, l’être en soi, exclusion faite des êtres qui pourraient ne pas être, et, pour être d’une clarté à la portée de toutes les intelligences, « la Raison subjective qui est en nous connaissant par intuition la Raison objective réalisée dans un Être parfait »[1]. Voilà dans quel sens Boileau entend le mot Raison, toutes les fois qu’il lui arrive de s’en servir. D’où il suit que l’art classique n’a jamais été, plus ou moins, bien entendu, qu’une manière de théodicée ou une esquisse de métaphysique, comme on peut le vérifier, quelque page de Racine, de La Bruyère, de Molière, de Segrais, de La Fayette ou de La Fontaine que l’on ouvre. L’esthétique de l’école de 1660 est trouvée.

Je voudrais tout simplement, comme l’écolier le plus humble, prendre tous les passages où Boileau

  1. Krantz, p. 103 et 104