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Page:Faucher de Saint-Maurice - Promenades dans le golfe Saint-Laurent, 1886.djvu/88

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LES ÎLES DANS

seigneuries de venir en contact avec l’onde amère qui, ce matin-là, était de ces plus froides et de ces plus basses. Entassés pêle-mêle sur le véhicule amphibie, nous fûmes présentés en bloc à M. Malouin qui, tout en nous aidant à sauter sur la grève, nous dit du ton le plus cordial du monde :

— Soyez les bienvenus, messieurs !

Tout-à-coup, un passager s’avança vers lui, tête nue, et s’adressant au vieux gardien du phare lui dit d’un ton tremblant :

— Ne me reconnaissez-vous donc pas ?

— Mais, oui, attendez. Cette voix… ? Oh ! mon Dieu ! c’est toi, mon fils !

Et enlacés dans les bras l’un de l’autre, ils se tinrent longtemps embrassés.

Depuis neuf ans le jeune Malouin était parti pour l’étranger, dans le but d’y tenter fortune. La Californie, qui a été le tombeau de tant d’autres, lui avait souri. Il revenait aujourd’hui partager ses épargnes avec son père, et dorer ses vieux jours de l’aurea mediocritas du poète. Dans le cours de ma vie aventureuse, bien des choses m’ont fait plaisir, jamais je n’ai éprouvé plus grand contentement du cœur, qu’au moment où ce vieillard et cet homme fait, oublieux des longues heures de la séparation, se jetèrent dans les bras l’un de l’autre pour pleurer de bonheur.

Il fallait se garder de venir rompre ce tête-à-tête, et bientôt nous nous éparpillâmes sur la grève, chacun se livrant à son plaisir favori : celui-ci faisant collection de coquillages, celui--