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Page:Faure - Histoire de l’art. L’Art médiéval, 1921.djvu/23

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formelle est rendue inutile ici par l’ancre du dogme qui laisse, hors de lui, les sens rajeunis et sans entraves libres de se soulager, et l’universel amour refuser le contrôle de l’humaine volonté. L’admirable logique des maîtres d’œuvre français du Moyen Âge s’applique à réaliser un objet d’abord pratique, et si l’Arabe dresse sur le désert l’image abstraite de l’esprit, il remplit de roses et de femmes ses frais Alhambras. L’immortel Dionysos a reconquis la terre, mêlant à sa fièvre sensuelle l’amour du Bouddha, la douceur de Jésus, la dignité de Mahomet, et quand Prométhée, par la Commune occidentale, renaît à ses côtés, Prométhée s’ignore lui-même, il est, lui aussi, inondé d’ivresse mystique. Le Moyen Âge a recréé la connaissance contre les dieux qu’il adorait.

C’est toujours contre les dieux qu’elle se crée, cette connaissance mortelle, même quand ces dieux expriment, comme ceux de l’Olympe grec, les lois qu’il s’agit de comprendre pour parvenir à la réaliser. Une inévitable confusion s’est faite en nous, entre le prétexte de nos croyances et leur véritable sens. Depuis toujours, nous avons vu l’art et la religion suivre la même route, l’art accepter de se mouvoir presque exclusivement entre les digues du symbolisme religieux et changer d’apparence aussitôt qu’un dieu en remplace un autre. Nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi toutes les religions, même quand elles se combattent, s’expriment en des formes qui leur survivent constamment et dont le temps finit toujours par déterminer l’accord et la nécessité. Nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi les plus belles créations des artistes ne coïncident pas toujours avec les minutes les plus intenses de l’exaltation religieuse, pourquoi la même religion garde souvent le silence au cours de sa jeunesse et ne s’exprime parfois que lorsqu’elle touche à son déclin. Nous ne nous sommes jamais demandé pourquoi les imagiers français n’ont imprimé leurs désirs dans la pierre des cathédrales qu’après le mouvement de révolte qui assura la vie de la Commune contre l’oppression du prêtre et du seigneur, pourquoi les signes de découragement apparurent en