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Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/20

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du pays : elle avait été construite au XVIe siècle par un sire de Thoire-Villars pour contenir les abbés de Nantua; elle fut détruite en 1601 par les troupes de Biron, dans l’expédition qui enleva définitivement le Bugey à la Savoie pour l’annexer à la France.

C’est au pied de la tour de Saint-Martin-du-Fresne[1] que naquit, en 1515[2], Sébastien Chatillon. La famille Chatillon, ou, suivant la prononciation ancienne, Chateillon, était une des plus nombreuses du pays. Elle n’est pas encore éteinte aujourd’hui et comptait, il y a quelques années, plusieurs représentants à Saint-Martin même et dans les environs[3].

  1. C’est M. Bétant qui a, le premier, donné en 1854 l’indication exacte du lieu de naissance de Castellion. Jusque-là les biographes eL les lexicographes n’avaient pour les guider que deux textes du XVIe siècle : l’un de Scaliger, qui se borne à ces mots : « Sébastien Castillon Allobrox » (dans les Scaligerana, p. 84); l’autre de Scévole de Sainte-Marthe que voici : « Sebastianus Castalio, qui, ex asperis et salebrosis Allobrogum montibus humili ortus fortuna, sed ingenio bonis literis excultissimo…. » (Lib. II. p. 126.)
    C’est sur cette qualification si vague d’Allobroge que chaque auteur était réduit à construire une hypothèse.
    Quelques-uns, du moins parmi ceux qui écrivent en latin, se bornent à reproduire la phrase de Sainte-Marthe avec des variantes légères (Colomiès, Saxius dans son Onomasticon. Lizel, Rudin, Pope Blount, Censura celebriorum authorum, Herzog, Athenæ rauricæ).
    D’autres cherchant à préciser se prononcent, non sans témérité, les uns pour la Savoie (Jœcher, La Croix du Maine, Schellhorn); les autres, pour le Dauphiné : Guy Allard : « Sébastien de Chastillon, des montagnes du Dauphiné comme dit Sainte Marthe dans l’éloge qu’elle (sic) en a fait…. » (Bibliothèque du Dauphiné, 1680, p. 68); — Moreri, t. Il, p. 612; — la Nouvelle Biographie universelle; — Feller, dans son Dictionnaire historique; — Tabaraud, art. Castalion dans la Biographie universelle. — Dupin (Bibliothèque des auteurs séparés de l’Eglise) dit qu’il « s’appelait Chatillon du nom du village où il avait pris naissance en 1514».
    Bayle rapporte les diverses opinions et explique qu’il a dû « s’en tenir à l’expression générale « pays des Allobroges », parce qu’il n’a pu découvrir rien de plus particulier ».
    Les écrivains genevois sont plus près de la vérité : ils font naître Castellion à Châtillon en Bresse, par où il faudrait entendre Chatillon-de-Michaille (Spon, Histoire de Genève. II, 40; — Leti, Istoria genevrina, III, 79). Leu, Dictionnaire historique de la Suisse, adopte la même version. Les frères Haag les ont suivis dans la 1ere édition de la France protestante. M. Schweizer, Centraldogmen, I, 310, résumant les débats, concluait à l’un des « Chatillon » de la Bresse.
    Enfin M. Bétant, dans la 1re édition de sa Notice sur le collège de Rive, 1854, fixait l’origine de Castellion d’après les registres du Petit Conseil de Genève. On lit en effet dans ces registres : « Mercredi 5 avril 1542.— Suivant l’admission du régent de nos escoles, maystre « Bastian de Chastillion, de St Martin du Fresne…. etc. »
    Seul avant M. Bétant un autre historien genevois parait avoir eu ce texte sous les yeux. C’est Jean-Antoine Gautier qui, dans son Histoire de Genève (t. IV, p. 29), parle de « Sébastien Chastillon natif de près de Nantua en Bugey ». Mais cette monumentale Histoire de Genève (24 vol. in-folio pour la période de 1538 à 1608) étant restée manuscrite, le passage de Gautier n'avait pas été plus remarqué que le texte même des registres.
    Les registres d’immatriculation de l’université de Bâle, année 1554, nomment bien Castellion « Sabaudus, diœcesis Burgiensis ». Mais ce document ne paraît pas avoir été connu des anciens biographes, même de Rudin. M. Mæhli est le premier qui le cite (p. 115).
  2. La même année que Ramus, la même année aussi qu’Arnoul Le Ferron, le grand jurisconsulte toulousain, qui mourut la même année que notre héros (1563).
  3. 3. En l867, lorsque je commençai mes recherches, je m’étais rendu au village de Saint-Martin : je demandai s’il existait une famille Chatillon. Le curé m’assura que le nom n’avait jamais disparu du pays. Il me conduisit dans une famille Chatillon, qui possédait encore des papiers remontant au XVIIe siècle. Un des fils de cette famille était au séminaire, il est depuis entré dans les ordres.