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Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/21

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Nous ne savons presque rien de l’enfance de Sébastien. Son père Claude Chatillon[1] était un paysan peu lettré, mais laborieux et honnête, auquel il eut plus tard l’occasion de rendre ce témoignage :

« Mon père, dit-il, eut cela de bon, quoique dans une grande ignorance de la religion[2], qu’il avait par-dessus tout l’horreur de deux choses : le vol et le mensonge, et qu’il nous l’inspirait. Aussi avions-nous à la bouche dans mon enfance ce proverbe de notre langue maternelle :

Ou pendre,
Ou rendre,
Ou les peines d’enfer attendre.

« De là vient que, dès mes premières années, j’ai toujours eu en horreur ces deux vices, et j’en prends à témoin tous ceux qui m’ont jamais connu à Genève ou ailleurs[3]. »


Cette allusion à un souvenir d’enfance est le seul renseignement direct que nous ayons trouvé sur les parents de notre héros[4]. Il avait plusieurs frères et sœurs, dont quatre ou cinq plus âgés que lui. Nous en retrouverons quelques uns dans le cours de cette étude.


Si nous connaissons mal sa famille elle-même, nous pouvons un peu mieux nous représenter son village et les conditions dans lesquelles il grandit. Le Bugey, au commencement du XVIe siècle, était un de ces petits pays, protégés par leur isolement, qui avaient gardé plus longtemps que d’autres un reste d’indépendance. Ce nid de montagnards perdu dans le Jura, trop maigre proie pour des appétits de rois ou d’empereurs, semble être jusqu’à la fin du moyen âge presque également ignoré de la

  1. C’est probablement par erreur que les registres du Conseil de Genève portent « Bastian de Chastillion ». — Quant au prénom de Claude, il est établi par les registres des Bourgeois, 1er juin 1553.
  2. Ce mot permet de conjecturer avec quelque vraisemblance que le père de Castellion n’embrassa pas la Réforme, ce qui est d’ailleurs presque certain, puisqu’il ne parait pas avoir quitté son village.
  3. Sebastiani Castellionis Defensio, dans le chapitre De Criminibus, § de Furto. — Ed. de Gouda, 1613, p. 351.
  4. Deux autres détails que donne Clarmund viennent évidemment d’une confusion avec Oporin, comme M. Maæhli l’a expliqué (Sebastian Castellio, in-8, Bâle, 1802, p. 7).