Aller au contenu

Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

320 SÉBASTIEN CASTELLION. une remarque qui atteste le nouveau cours de ses réflexions : « ceux qui n’ont pas souffert ne peuvent pas apprécier les Psaumes zils se lassent d’entendre tant de fois demander secours ai Dieu, tant de fois lui rendre graces. Mais ceux que des lléaux accablent, ou simplement ceux que poursuivent les traits de la jalousie, ceux—la ne se rassasient pas de prier ou de remercier Celui par qui seul ils se sentent défendus'. » Dans la même préface du Psaltcowm, il est beaucoup plus affirmatif qu’un an auparavant sur la place a faire aux saintes ` lettres : « apres qu’elles nous ont révélé la vraie discipline morale, aller encore chercher cette discipline dans les fables des poètes, dans les doctrines incertaines et contradictoire:; des philosophes, ce serait comme si apres l’invention des mousquets et des canons on ramenait l’art de la guerre it se battre a coups de poing » 2. Quand nous passons a la Bible latine, l`évolution est plus. avancée. De l’élégance, de la beauté du style, du<< respect des. oreilles latines », il n’est plus question. Notre exégete n’ad- met plus que la reclierche de deux mérites pour une traduc- tion : la « üdélité et la clarté >>; il a tellement rabattu de la superstition eicéronienne qu`il arrive ai cette formule que Fénelon reprendra plus tard presque littéralement : « la parole n’est que le vetement de la pensée » et, pour achever sa méta- phore, il ne voit dans les traducteurs, les exégetes, les co1n- mentateurs, qu`autant d`ouvriers qui travaillent et réparer en quelque so1·te Ce vetement “. Deux fois encore, Castellion 1`OVlOI1(l[‘& sur la question : d'abord dans un texte écrit en même temps que sa Bible française, mais qui ne vit le jour qu’apres sa mort et où dailleurs il comptait garder l’anonyme. Calvin avait dit d’Esaîe : « Son langage noble et pur, paré même avec art atteste que l’éloquence peut être parfois la servante de la foi ». _ Non, s`écrie vivement Castellion : ce n’est pas l’art, ee n’est pas un effort humain, c’est l'Esprit Saint qui l’a fait parler. ll y avait en lui une 1. P, 9 de la préface à Boniface Amerbach. 2. [Oil]., p. 7. ' 3. Premiere page de la préface ii Edouard VI : Nam quod nd latinitatem attînet. est oratio nihil aliud quam rei quzedam quasi vestis, et nes sartores sumus. Res quîdem mauet eudem, nec orntionis elegantia üt metier nec vilitate deterior. _