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Page:Fertiault - Le Carillon du collier, 1867.djvu/9

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LE CARILLON DU COLLIER


On se sent entouré d’une atmosphère étrange ;
Le rêve et le vertige effleurent tous les fronts.
De leur vol enivrant heureux qui se dérange !…
Car à saisir leur proie ils sont hardis et prompts.

La Belle est toute gaze, et dentelles, et soie,
Et satin… J’entends là le satin de sa peau.
D’un corsage impalpable où tout l’écrin flamboie
Sort l’épaule embrasant notre altéré troupeau,

Une épaule suave, opulente, divine,
— Diabolique surtout, — de ligne et de blancheur,
Une neige de feu, sous laquelle on devine
Le volcan ; tout ensemble incendie et fraîcheur.

D’un cou voluptueux descend sur cette épaule
Un bijou, vrai chef-d’œuvre en art grec, un Collier
À douze médaillons, dont chacun, — le doux rôle ! —
Rappelle un des amants venus pour se lier :

D’un côté, le profil de la chère victime,
Parfois un peu flatté ; de l’autre, son blason ;
De sorte que l’on a, dans l’effigie intime,
Le maître, mais surtout l’honneur de la maison.

Et cela fait plaisir à cette tendre femme
De tenir dans sa main, de pétrir, de broyer,
De salir à sa fange et de nous rendre infâme
Le grand nom qui d’amour lui donne le loyer.

La voilà donc qui trône, ironique et charmante,
Charmée aussi, buvant l’orgueil. Ses médaillons
Transforment en soleil la roturière amante,
Qui va, le sein gonflé, sous ces nobles rayons.