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Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/122

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ÉPREUVES MATERNELLES

le dire sans crainte que vous n’en abusiez, mais vous êtes aussi la personne la plus mystérieuse qui soit. Ce n’est pas nous qui sommes vos maîtres, vous avez l’air de nous dominer par votre silence.

Denise rougit.

Sans proférer une parole, elle jeta un regard implorant à Mme Rougeard, comme si elle s’excusait de ce qu’elle ne révélait pas.

Un peu énervée, sa maîtresse répéta :

— Vous ne pouvez nier que vous nous cachez quelque chose ? Mon mari qui a l’habitude des physionomies l’a vu tout de suite.

La servante resta muette. Elle se demandait s’il était enfin l’heure d’avouer la tristesse de sa vie. Elle savait que les épisodes dont elle était l’héroïne seraient écoutés avec un intérêt passionné, mais ensuite qu’en résulterait-il ?

Elle ne pourrait demeurer la domestique de ces gens charmants qui seraient gênés de se voir servis par elle. La situation serait faussée.

Elle n’en serait pas moins pauvre, et forcée de gagner sa subsistance, quand elle aurait avoué ce qu’elle était.

À mesure qu’elle réfléchissait, des aveux précipités lui paraissaient périlleux. En continuant d’observer le mutisme qu’elle s’imposait, elle restait libre et ne gênait personne.

Elle était bien chez Mme Rougeard et souhaitait s’y tenir le plus longtemps possible.

Où trouverait-elle de semblables égards ?

Devant son silence, Mme Rougeard poursuivit :

— Vous avez reçu de bonnes nouvelles de votre enfant, cet après-midi ?

— Mon enfant ?

Une terreur la galvanisa. On savait donc qui elle était ? Le docteur Pamadol était donc parti pour la Suisse à cause d’un de ses chers trésors gravement malade ? N’avait-elle plus qu’un enfant ? Ces pensées rapides comme l’éclair, s’agitèrent durant quelques secondes dans son cerveau.

Puis, soudain, elle se souvint que Mme Rougeard lui avait attribué un jeune bébé et un soulagement entra dans son esprit.

Atterrée par ce manque de mémoire, sa maîtresse lui dit :