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Page:Fiel - Épreuves maternelles, 1930.djvu/123

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ÉPREUVES MATERNELLES

— Je n’ai pas rêvé, vous aviez un enfant malade que vous êtes allée voir un dimanche ?

Sous le sentiment de délivrance qui la possédait encore, Denise répondit sereinement :

— Oui… c’est vrai… je me souviens.

Devant cette réponse, donnée d’un ton détaché, Mme Rougeard, anxieuse, la quitta.

Elle revint très agitée, près de son mari et lui confia, presque bas.

— Décidément, cette pauvre femme a l’esprit détraqué… elle ne se rappelait même plus qu’elle a un bébé !

— Hein ?

— C’est sérieux. Je commence à être fort inquiète de la mentalité de cette perle. Pourvu qu’elle ne nous empoisonne pas un de ces jours !

— Tu n’es pas rassurante !

— Je suis tourmentée… je ne plaisante pas !

— Dieu me garde de plaisanter. Essaie de savoir où elle a servi.

— Elle ne dit rien, absolument rien.

— Cependant, elle n’est pas tombée de la lune ! elle était placée chez quelqu’un d’autre avant d’entrer ici. Tu vas aller dans ce bureau de placement où tu l’as trouvée.

Mme Rougeard ne perdit pas de temps. Elle alla questionner la directrice de cette agence qui lui répondit qu’elle ne connaissait rien de cette domestique.

— Elle n’est pas bien ?

— Trop bien… riposta Mme Rougeard, et cela m’effraie.

— Rassurez-vous. Il y a beaucoup de veuves fort honorables et ne pouvant plus se suffire, qui entrent ainsi en condition pour avoir un refuge. Ce sont des femmes qui savent travailler parce qu’elles ont commandé, mais naturellement, elles aiment peu parler de leur passé.

Mme Rougeard écouta cette explication, mais sans être entièrement convaincue que c’était là le seul mystère qui entourait Marie.

Elle rapporta cette conversation à l’ancien magistrat qui lui conseilla de se montrer moins agitée sur cette affaire. Puisque Marie était correcte, il ne fallait pas s’exagérer les soucis. C’était sans doute une