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Page:Fiel - L'ombre s'efface, 1955.pdf/101

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l’ombre s’efface

vous acceptiez ses rendez-vous, il n’y avait qu’un petit geste à faire.

— Jacques ! criai-je, affolée, vous me calomniez ! Je vous ai dit la vérité. Je n’ai jamais menti !

— Depuis que vous me connaissez, je le crois, mais il n’y a pas longtemps que je vous connais, moi. Vous êtes arrivée comme un aérolithe dans notre cercle, après avoir raconté à Jourel ce que vous avez voulu ; il nous l’a répété. Je n’ai pas besoin de vous dire que cette histoire a soulevé des protestations. Je vous ai prise sous ma protection parce que mon cœur s’est ému devant votre belle défense d’artiste, je n’ose user du mot de « comédienne » qui serait plus approprié.

— Oh ! Jacques, que vous me torturez !

— Je vous ai montré le peu de confiance que j’attachais à ce conte, et vous l’avez senti dans nos rapports, puisque j’ai voulu la preuve de vos assertions. J’ai essayé de vous présenter comme une femme bien élevée. Vous me décevez cruellement. Je cherchais en vous des signes de race, mais je constate que vous ne reniez pas vos origines, qui sont sans doute d’une catégorie indésirable.

Et je n’entendis plus. J’étais évanouie sur mon fauteuil par la douleur.

C’est Clarisse qui m’apprit un peu plus tard qu’appelée par Monsieur, elle m’avait prise comme une plume et portée sur mon lit.

Quand je repris conscience, ce qui survint vite, Clarisse disait :

— Quand Madame est rentrée, j’ai bien remarqué qu’elle était fatiguée.

— Je vais téléphoner au docteur, avait répliqué mon mari.

— Monsieur fera comme il voudra, mais pour moi, ce n’est rien du tout.

Je pouvais parler et j’exprimai ma volonté avec calme :

— Clarisse a raison : je n’ai pas besoin de docteur, et dans quelques minutes je ne penserai plus à ce moment de faiblesse.

Jacques ne répondit pas. Il m’observait d’un air perplexe. Je détournai les yeux parce que je sentais que les larmes affluaient.

J’eus un effort pour lui dire :